Face à la précarité énergétique dans les pays développés, l'efficacité énergétique au service des foyers les plus démunis

 

Si les pays émergents sont les plus touchés par la précarité énergétique, cette dernière constitue un problème majeur dans l’ensemble des pays développés. De façon générale, la précarité énergétique renvoie aux difficultés que rencontrent certains ménages pour disposer des ressources nécessaires à la satisfaction de leurs besoins élémentaires en matières énergétique. En l’absence d’une définition harmonisée au niveau international, il est difficile de qualifier ce phénomène, appréhendé différemment dans chaque pays. Pour le quantifier, il est d'usage de recenser les ménages consacrant au moins 10 % de leurs revenus à leur facture énergétique.

En Europe, entre 50 et 125 millions de personne seraient directement touchées par la précarité énergétique selon les données du BPIE (Buildings Performance Institute Europe) [1]. En France, le constat est tout aussi accablant avec 12 millions de personnes concernées, représentant 3,8 millions de foyers, selon les chiffres de l’OIE (Observatoire de l’Industrie Électrique) [2]. Si les chiffres varient en fonction des pays, une tendance globale se dessine. En effet, les foyers les plus modestes sont également les plus vulnérables à la précarité énergétique. Un tel constat appelle une réponse globale des autorités publiques, des organismes spécialisés et de l'ensemble des acteurs qui opèrent sur le marché de l’énergie.

À l’heure où le ministère de l’Écologie, du Développement durable et de l’Energie lance un appel à projets public pour lutter contre la précarité énergétique, il est important de mesurer l’état de la situation dans l’ensemble des pays développés afin d’appréhender la marche à suivre.

Des initiatives volontaires qui appellent à être poursuivies

Les conséquences de la précarité énergétique sur l'environnement, la situation financière et la santé globale des individus sont multiples et bien souvent cumulatives. L'association RAPPEL (Réseau des Acteurs de la Pauvreté et de la Précarité Énergétique dans le Logement) insiste ainsi sur les conséquences financières qu’une situation de précarité énergétique implique pour les ménages. Ces derniers peuvent en effet être amenés à sacrifier d'autres postes budgétaires fondamentaux comme l’éducation ou l’alimentation pour assurer un chauffage correct. De même, des études tendent à mettre en évidence les conséquences néfastes de cette situation sur la santé, traçant ainsi un lien direct entre précarité énergétique et maladies respiratoires, maladies cardio-vasculaires ou encore dépression. Autre problème préoccupant, la précarité énergétique pose la question de la sécurité des ménages, obligés de recourir à des moyens de substitution (poêles à pétrole…) pour se chauffer, menant ainsi à des risques accrus d'incendies ou d'intoxication au monoxyde de carbone. Dans une perspective plus globale, les conséquences environnementales sont aussi une réalité car les logements en situation de précarité énergétique souffrent systématiquement d'un réel gaspillage d'énergie et sont à l’origine d'émissions de CO2 largement supérieures à la moyenne.

Depuis quelques années, les pouvoirs publics ont pris conscience de ce phénomène et tentent d’y remédier par des politiques en faveur des foyers les plus vulnérables. L'ADEME (Agence De l’Environnement et de la Maitrise de l’Énergie) précise que les personnes les plus touchées par la précarité énergétique sont souvent aussi en difficulté économiquement. Ainsi une enquête de 2008 précise que les 5 millions de ménages français les plus défavorisés consacraient au moins 15 % de leurs ressources à leurs dépenses énergétiques, contre seulement 6 % pour les ménages les plus aisés. La lutte contre la précarité énergétique est donc logiquement l’un des axes majeurs de la loi sur la transition énergétique pour la croissance verte, qui fixe notamment pour objectif une réduction de 15 % de la précarité énergétique d'ici 2020 [3] grâce à la rénovation de plus de 500 000 logements. La reconnaissance juridique de cet état de fait constitue clairement une avancée et manifeste une prise de conscience salutaire. Pour autant, des prolongements sont indispensables pour lutter plus largement contre la précarité énergétique. Précédemment, le gouvernement français a déjà tenté de mettre en place différents types de solutions. En 2009, dans le cadre d'un groupe de travail sur la précarité énergétique, un « chèque énergie », toujours en vigueur, avait été mis en place à destination des foyers les plus modestes. De même, par des mesures fiscales ou incitatives, l’État a aussi largement encouragé la rénovation thermique des bâtiments. En 2010, plus de 1,25 milliard d'euros a ainsi été consacré à un plan de rénovation par l'instauration d'un fonds national dédié au problème.

Cependant, malgré les objectifs chiffrés ambitieux, il semblerait que les pouvoirs publics aient des difficultés à répondre à ces enjeux. De nouvelles réponses pourraient par conséquent être envisagées, encourageant notamment les professionnels du secteur de l'efficacité énergétique à participer à la lutte contre cette forme de précarité.

L'efficacité énergétique : une réponse potentielle à la précarité énergétique

Les prix de l'énergie, trop élevés pour une partie des ménages européens, la faiblesse des revenus des foyers concernés et la qualité globale des logements sont les causes principales de la précarité énergétique. À court-terme, la régulation des prix de l’énergie ou la hausse des revenus des ménages les plus modestes peuvent permettre de lutter contre la précarité énergétique. À plus long terme, la rénovation des bâtiments concernés par des solutions d'efficacité énergétique peut permettre de dépasser l'enjeu systémique que constitue la qualité des habitations. Avec les méthodes d'isolation adaptées, le gaspillage énergétique est moindre, ce qui permet aux ménages de réaliser des économies budgétaires non-négligeables, tout en s'assurant un confort énergétique supérieur. En effet, le différentiel de consommation d'énergie est de taille entre les bâtiments les plus récents, dotés d'un système d'isolation renforcé et les plus anciens : consommation moyenne de 50 KWh/m² pour les premiers contre 200 KWh/m2 pour les seconds [4]. Le plus souvent, la toiture est l’élément le plus sensible de l'habitat avec des déperditions d'énergie pouvant atteindre 30 %. Les murs peuvent quant à eux représenter une déperdition allant de 20 à 25 % et les fenêtres une déperdition allant de 10 à 15 %. 

Les solutions d'efficacité énergétique sont en mesure d'apporter une réponse globale et durable aux logements les moins efficients dans ce domaine avec, pour les foyers les plus démunis, la possibilité de bénéficier d'aides publiques ou de mesures incitatives permettant la réfection des lieux d'habitation. De même, l'usage d'appareils dotés d'une bonne efficience énergétique permet de réduire globalement les dépenses énergétiques, tout en assurant de meilleures performances. Dans ce cadre, si la certification permettant de connaître la consommation globale des appareils électriques est obligatoire depuis 1994, la persistance d'appareils anciens et énergivores dans les foyers reste un fléau énergétique pour les ménages les plus démunis, qui n'ont pas toujours les moyens de les remplacer. Des obstacles demeurent à la mise en place de politiques de rénovation thermique des bâtiments à grande échelle : le grand nombre de personnes directement touchés, la pluralité des facteurs entraînant une situation de précarité énergétique ou encore les difficultés à localiser et à quantifier précisément les foyers directement en situation de pauvreté énergétique rendent la tâche délicate. 

Une prise de conscience générale des acteurs de la politique énergétique est nécessaire pour adresser efficacement ces enjeux et passera notamment par une promotion des solutions d'efficacité énergétique.

 

[1] BPIE (2014) : fuel poverty mitigation through energy efficiency in buildings

[2] OIE (février 2016) : La précarité énergétique – note pédagogique

[3] Article 3 - Loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte

[4] Améliorer l'efficacité énergétique de son logement à travers l'isolation : les points clefs, Blog Energie 3,0, publié le 22/06/2012

 

Retrouvez également :

La rediffusion du webinaire "Energy efficiency for energy access: Fighting fuel poverty in developed economies" (en anglais)

Notre infographie sur le rôle de l'efficacité énergétique pour lutter contre la précarité énergétique dans les pays développés

Notre synthèse du webinaire "Energy efficiency for energy access: Fighting fuel poverty in developed economies"

 
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